La lentille du gnomon

Le gnomon actuel n'est plus celui de 1729. La plaque en cuivre, à travers laquelle avait été percé l'oeilleton, a disparu. Depuis le pavé de la salle Cassini, le visiteur peut simplement constater la présence, haut placé, d'un trou de lumière très intense ; c'est en réalité une lentille biconvexe de 85 mm de diamètre, qui fait maintenant office de gnomon. On ne peut dater précisément le remplacement de la plaque par une lentille.

L'usage d'une lentille comme gnomon n'est pas naturel. Il est justifié de nos jours à l'Observatoire car elle ne sert qu'à rendre l'image du Soleil plus lumineuse en focalisant sa lumière dans cette vaste salle déjà largement ouverte à la lumière diffuse du jour grâce à ses très hautes fenêtres (de près de sept mètres de haut). Jadis, les observations étaient effectuées dans une totale obscurité, créée au moyen de rideaux de coutil, lourds et opaques.

Image du Soleil prise le 5 mai 2011. L'image du Soleil produite par la lentille est donc parfaitement focalisée ce qui donne pour la lentille une longueur focale de 11,8 m qui correspond à la distance entre le gnomon et le sol à cette date de l'année où le Soleil a une hauteur méridienne à Paris d'un peu plus de 57° (crédit : S. Barouche et P. Descamps).

Cependant, sitôt sorti de la zone étroite de focalisation, l'image devient de plus en plus floue ; C'est le revers de la lentille : la tache solaire apparait très floue du côté du solstice d'hiver et des équinoxes puis, au fur et à mesure que l'on s'approche du solstice d'été, les contours de l'ellipse solaire deviennent plus tranchés. Nous avons pu déterminer approximativement les deux périodes de l'année où l'image du Soleil vient se focaliser presque parfaitement sur le sol. Il s'agit du 5 mai et du 6 août. Cela confère à la lentille une longueur focale de 11,8 m. Charles Le Monnier rapporte dans son Histoire céleste (1741) une observation faite le 4 juillet 1681 à la ligne méridienne provisoire de l'Observatoire de Paris: Il s'agissait d'observations en vue de "déterminer le  solstice d'été par la méthode de Roemer, qui consiste à observer le lieu de l'image du Soleil transmise par un grand verre objectif sur la ligne méridienne. Le verre qui a été employé pour cet effet avait 34 pieds de foyer ; et l'on a trouvé à midi au gnomon que l'image était revenue précisément au même lieu où elle avait été observée le 7 juin". La longueur de 11,8 m du foyer de la lentille actuelle équivaut à 36 pieds, soit très proche de celle utilisée par Cassini et Roemer, ce qui incline à identifier ces deux lentilles comme une seule et même lentille.


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    Vues depuis l'intérieur de la salle Cassini (en bas) et depuis l'extérieur (en haut) de la lentille simple du gnomon de l'Observatoire de Paris. La vue de droite a été prise le 12 mai 2011. On note la forte obstruction due au muret le surplombant ; même raboté, ce muret occasionne la disparition totale de la tache une dizaine de jours autour du solstice d'été. (crédit : J. Berthier, S. Barouche & P. Descamps).