Dans la grande salle du second étage du bâtiment de l'Observatoire de Paris - construit entre 1667 et 1671 à partir des plans de l'architecte Claude Perrault - se trouve l'une des merveilles de l'Observatoire, la grande ligne méridienne. Conçue et esquissée par Jean-Dominique Cassini (1625-1712), peu de temps après son arrivée à l'Observatoire de Paris en 1669, elle devait être la première ligne d'un monumental cadran solaire. Cependant, ce fut son fils, Jacques Cassini (1677-1756) qui en 1729, quelque cinquante ans plus tard, en acheva définitivement la construction ; il voulait en faire un instrument astronomique de haute précision pour répondre à l'une des plus vives controverses de ce début de siècle: Assiste-t-on au redressement inexorable de l'axe de rotation de la Terre ?
Le soin et la minutie avec lesquels fut construite cette ligne de laiton, longue de près de 32 mètres, en firent un gigantesque instrument de mesure astronomique de haute précision. Ce n'était plus le cadran solaire imaginé par son père. Elle s'apparentait davantage à un quart-de-cercle, dont le rayon, figuré par la hauteur imposante du gnomon (orifice par lequel la lumière du Soleil était admise dans la salle) situé à près de 10m au-dessus du sol, surpassait en grandeur les plus grands instruments gradués de cette époque. La fonction pratiquement exclusive de cette Méridienne était de déterminer le plus exactement possible l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre sur son orbite, ce que les astronomes dénomment l'obliquité de l'écliptique. Il s'agissait en outre de trancher une polémique naissante à son égard : l'obliquité de l'écliptique décroît-elle progressivement et inexorablement dans le temps ?
Le principe de cette ligne est simple. Il repose sur la mesure de la hauteur méridienne du Soleil. Celle-ci varie au cours de l'année, d'un solstice à l'autre. Par l'entremise du gnomon (mot qui signifie indicateur en grec), simple orifice dont le diamètre était égal à la millième partie de sa hauteur - soit un peu moins d'un centimètre dans le cas de la Méridienne de Cassini - la lumière du Soleil pénétrait dans la grande salle, sans le moindre obstacle, pour aller former sur le sol une image elliptique, plus ou moins grande, plus ou moins allongée, selon que le Soleil est haut (en été) ou bas (en hiver) sur l'horizon lorsqu'il passe par le méridien du lieu considéré. Ce méridien est un grand cercle fictif qui relie les pôles nord et sud de la Terre. Ainsi, dit-on qu'à ce moment précis le Soleil marque exactement midi vrai. La différence de hauteur entre ses positions extrêmes, correspondant aux points solsticiaux d'été et d'hiver, est égale à deux fois l'obliquité de l'écliptique. En d'autres termes, si l'axe de la Terre n'était pas incliné sur l'écliptique - c'est ainsi qu'est dénommé le plan dans lequel la Terre parcourt sa trajectoire autour du Soleil - le Soleil se présenterait chaque jour à midi à la même hauteur, qui serait d'ailleurs égale à la latitude du lieu, de sorte que la ligne méridienne se réduirait à un simple point et n'aurait donc plus grand intérêt.